Crasseux et le regard vitreux, ils sentent mauvais, un mélange de transpiration, de chien, de vinasse et de manque de savon.
A la bière ou au mauvais vin dès le matin, ils vivent dans la rue. Ils y traînent, ils y mangent, ils y font la manche et ils y dorment. Dans le froid, dans le vent, sous la pluie, avec un carton pour sommier et pour matelas, ils y dorment.
Ils font partie du paysage urbain.
Mais comme les éoliennes à la campagne, c'est la partie du paysage qui gâche la vue et le plaisir. On passe à côté en détournant le regard pour ne pas leur donner d'existence. On leur reproche d'être là, à contrarier notre petite sortie, à salir les rues de leur présence. On se dit que c'est lamentable, qu'ils n'ont pas de fierté, qu'ils feraient mieux de se laver et d'aller travailler.
Et on met des accoudoirs au milieu des bancs pour qu'ils ne puissent pas s'y allonger.
On détourne le regard et pourtant ils existent, ils sont là, brisés par une existence de misère qu'ils n'ont sans doute pas toujours connue. Accidentés de la vie, analphabètes ou diplômés, ils traînent, avec leur chien qui leur réchauffe le cœur et le corps, un granc sac qui contient toute leur vie. Quelle est leur histoire ? D'où viennent-ils ? Pourquoi sont ils là ? Ont-ils des enfants ?
Ils sont là, anonymes, ignorés de tous sauf de leurs semblables, quémandant une pièce pour manger ou pour boire, et espérant que la nuit qui arrive ne sera pas trop froide.
Et on passe à côté en détournant le regard.
Photo de Daniel Van Den Berg ~ Unsplash
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