C’est un vieux monsieur, un peu voûté, qui marche avec de plus en plus de difficulté.
Il est fatigué, usé par la vie, achevé par l’engrenage infernal de la médecine.
Cette médecine imbécile qui voudrait guérir un homme de son âge ! Sans doute fait-elle plutôt semblant… Mieux vaudrait garder l’argent et l’énergie pour des personnes susceptibles de supporter les opérations et les traitements.
Mieux vaudrait le laisser tranquille, sans l'humilier à chaque instant avec cette poche en plastique qui ne le quitte plus.
Il est fatigué et repense avec nostalgie à sa vie passée, fait son petit bilan.
A-t’il été un bon père ? Un bon mari ? A-t’il été heureux ?
Il a fait de son mieux, comme il a pu.
Des images de son passé ressurgissent, son enfance, ses parents disparus, des instants joyeux ou douloureux qui, il ne sait pourquoi, sont restés ancrés dans sa mémoire et l’accompagnent encore.
Une angoisse sourde étreint sa poitrine.
Il sait que, lui aussi, il ne sera bientôt plus qu’un souvenir.
Photo de Adriano Cantarello ~ Unsplash
Au petit matin d'une chaude journée d'août, le vieux monsieur - mon père, est mort.
La mort du père est un tourment.
Quand elle survient lorsqu'il est âgé, on se dit - on sait, que c'est dans l'ordre des choses. Cela atténue forcément la douleur.
La longue maladie qui le mène de sa maison à l'hôpital, puis de l'hôpital en soins palliatifs, est quant-à elle beaucoup plus difficile à supporter.
Le voir chaque jour perdre un peu plus de ses capacités physiques et intellectuelles est une souffrance morale, une brûlure du ventre qui vous submerge et vous ratatine.
Le voir s'en rendre et compte et ne pas le supporter est encore pire.
Le père n'est plus fort, il n'est plus le guide, il n'est plus le protecteur.
Il est un corps ratatiné qui ne veut pas abandonner.
Il devient un souffle de vie dans une enveloppe décharnée.
Il reste néanmoins admirable de volonté et de dignité.
C'est l'image de cette volonté et de cette dignité que j'essaie de conserver de cette période détestable.
Repose en paix papa.
Léo Ferré ~ Avec le temps
45 tours ~ 1970
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